Autrice : Nikki Henderson

 

Le choix du plan de voilure pour son catamaran peut s’avérer complexe. Beaucoup de navigateurs n’ont jamais manipulé autre chose que des voiles blanches (grand-voile + foc/génois). D’autres proviennent de l’univers des monocoques ou ont passé leur enfance à naviguer sur des dériveurs. Leur compréhension de la voilure est solide, mais ils se demandent souvent si leur expérience est transposable à un Outremer.

On me demande souvent quelle marque de voiles je préconise. Selon moi, il est préférable de rester fidèle aux recommandations du constructeur. Si Outremer suggère un produit, il vous faudrait une raison particulièrement convaincante pour écarter leur conseil. Je doute que le plaisancier moyen distingue deux voiles de dimensions égales, confectionnées dans le même tissu mais par des ateliers différents. Néanmoins, explorer d’autres options peut être pertinent en cas d’acquisition de voiles de régates.

 

Voici un aperçu des voiles parmi lesquelles les gens choisissent, selon ce que j’ai pu observer :

 

Fondamentaux de la Grand-Voile: Optimiser la Performance

 

La grand-voile est normalement dotée de trois points de ris, ce qui est essentiel pour tout croiseur hauturier axé sur la performance. Le seul véritable choix à faire concerne le type de tissu : soit un tissu tissé – le meilleur étant l’Hydranet (blanc ou gris très clair), soit un stratifié carbone un peu plus cher et plus léger (les voiles gris foncé/noir). Je ne conseillerais pas d’investir dans des voiles stratifiées pour la croisière hauturière, à moins que vous optimisiez sérieusement la performance du reste du bateau – en minimisant le poids – et que vous naviguiez avec un équipage expérimenté. Vous pourriez aussi envisager des voiles stratifiées comme une deuxième garde-robe pour la régate.

 

Foc : pour qui ? dans quelles conditions ?

 

La plupart des propriétaires d’Outremer optent pour un foc comme voile d’avant. Le foc est une voile d’avant qui ne chevauche pas le mât et qui peut donc utiliser le rail d’auto-vireur. C’est une voile d’avant très polyvalente pour les équipages peu expérimentés ou ceux qui ne cherchent pas à gagner ce demi-nœud supplémentaire. C’est une excellente « voile de débutant » pour tout marin qui acquiert un Outremer. Achetez-la, apprenez à connaître votre bateau pendant un an, puis envisagez une montée en gamme.

 

Génois : ses avantages et inconvénients dans un plan de voilure

 

Le génois est une voile d’avant qui dépasse le mât, donc plus grande que le foc et qui ne peut pas être utilisée avec le rail d’auto-vireur. Nécessitant d’être empannée manuellement d’un bord à l’autre, elle demande plus d’effort physique que le foc. Elle est équipée en permanence d’un barber hauler ainsi que d’un out hauler, offrant plus d’options de réglage fin que le foc. Elle convient parfaitement aux marins plus expérimentés – peut-être ceux habitués aux dériveurs ou aux régatiers assidus – qui aiment régler constamment leurs voiles. Sa taille offre un supplément de puissance au près par vents légers. Cependant, elle ne se comporte pas très bien partiellement enroulée et est trop grande pour être utilisée dans des vents forts. Dans des conditions de vent soutenu, il faudrait hisser une voile différente (trinquette, foc ou voile de tempête).

 

La trinquette : la voile pour le gros temps

 

La trinquette se hisse sur un étai d’intérieur et représente un ajout optionnel (absent sur le modèle 45) qui exige l’installation d’un bout-dehors en carbone. Son coût supplémentaire peut s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros. De taille réduite, elle évoque un petit foc avec un point d’écoute abaissé et une bordure courte, rappelant la silhouette d’une lame. Elle complète souvent un génois. Reconnue comme une voile d’avant privilégiée par gros temps, la trinquette assure une navigation sécurisée, abaissant le centre de voilure et le recentrant, tout en diminuant le poids en hauteur, ce qui contribue à réduire les risques de chavirage. Elle s’avère également performante en navigation de travers dans un vent modéré, en complément d’un spinnaker. Habituellement fixée par mousquetons sur l’étai intérieur, sa manipulation requiert plus d’effort physique que le simple déploiement d’un foc. Son acquisition se justifie si vous êtes préparé à des changements de voiles fréquents et à une navigation dynamique. Pour les marins passionnés et actifs qui hésitent encore, la trinquette est un choix judicieux pour sa grande polyvalence. Vous pouvez toutefois décider d’installer l’étai intérieur et de le maintenir écarté du pont, en privilégiant l’usage du foc auto-vireur durant les premières années de navigation.

Code 0 : performance par temps léger

 

Le Code 0 est une voile taillée pour les brises légères, présentant une silhouette similaire au génois mais avec des épaules plus arrondies et un point d’écoute relevé. Son installation est indépendante de l’étai puisqu’elle s’élance depuis le bout-dehors et se hisse via une drisse fractionnée en 2:1, sans atteindre le sommet du mât. Légère de par sa conception en laminé, elle offre un profil plus plat qu’un spinnaker, optimisant son efficacité sur un éventail d’angles de vent réel d’environ 60 à 100 degrés et sous des vents apparents n’excédant pas 15 nœuds. Elle est souvent décrite comme un spinnaker adapté au près pour les néophytes. Idéale pour profiter de la moindre brise et adopter une approche écologique de la voile, elle se révèle être l’unique option pour avancer sous un vent faible de moins de 5 nœuds. Cependant, en raison de sa fenêtre d’utilisation spécifique tant en direction qu’en intensité du vent, le Code 0 s’adresse davantage aux navigateurs prêts à effectuer des changements de voiles fréquents, sachant qu’elle ne reste hissée que quelques heures avant que les conditions ne demandent un ajustement.

 

Voile Code D : le “Spinnaker Facile”

 

Considérez cela comme un ‘spinnaker pour débutants’. C’est une option géniale pour ceux qui n’ont aucune expérience avec les spinnakers. On peut le voir comme un spinnaker asymétrique sur enrouleur qui a été allégé ! Il est idéal si vous recherchez un spinnaker unique facile à manier en équipage réduit. Le fait qu’il s’enroule réduit considérablement le stress souvent associé aux spinnakers – principalement la crainte de les hisser et de les affaler. L’avantage est qu’il est pratique et facile à utiliser. L’inconvénient est que la manière dont il s’enroule affecte sa forme. Comparé à un véritable spinnaker asymétrique, il est plus petit, plus plat et a un guindant beaucoup plus court. Il ne vous propulsera pas aussi rapidement ou aussi bas (plus vers le vent arrière) qu’un spinnaker asymétrique. Mais encore une fois, c’est une voile de portant tout à fait adéquate pour commencer.

Spinnaker Asymétrique : Maximiser la Vitesse

 

Un spinnaker asymétrique est semblable à une gigantesque génois d’une finesse extrême. Si le point d’écoute d’un génois dépasse peut-être d’un mètre l’arrière du mât, celui d’un asymétrique peut être tiré aussi loin que les sièges de barre. Sa taille en dit long ; c’est une voile puissante. Avec un équipage expérimenté, c’est un régal et exactement ce pour quoi les Outremers sont conçus. Avec vingt nœuds de vent et un angle de vent réel de 130 degrés, ces voiles peuvent faire atteindre à un Outremer des vitesses moyennes élevées. Les eaux calmes à l’extérieur de La Grande Motte sont parfaites pour cela. Mais la navigation hauturière par force 5 est une autre histoire, l’état de la mer et les grandes accélérations rendent la barre exigeante. Je ne recommanderais pas d’investir dans un spinnaker asymétrique à moins d’avoir un équipage capable, désireux de naviguer à des angles rapides, de pousser le bateau et de sacrifier beaucoup de confort en échange. Pour la plupart des propriétaires, je suggérerais d’apprendre à connaître votre bateau et de naviguer peut-être 10 000 milles avant d’investir dans un spinnaker asymétrique.

 

Il est également judicieux de considérer – dans ce domaine – un emmagasineur de haut en bas. C’est une idée relativement nouvelle dans le monde de la voile en équipage réduit, mais qui permet aux équipages doubles de manœuvrer de grandes voiles au portant. C’est le début de leur innovation, donc notez qu’ils peuvent être un peu capricieux et il est toujours bon de savoir comment affaler le spinnaker de manière traditionnelle sans l’emmagasiner.

 

Spinnaker Symétrique: une navigation stable au portant

 

Le spinnaker symétrique, avec sa forme ample rappelant une cloche, est constitué de deux voiles semblables à des genois inversés, reliés par leur guindant. Ses points d’écoute s’élèvent haut, donnant à la voile des épaules imposantes. Ce spinnaker est spécifiquement taillé pour les courses au plus près du vent arrière. Lorsqu’on effectue un empannage sur un Outremer, les manœuvres des écoutes se font presque d’elles-mêmes grâce à leur agencement symétrique, qui les conduit des poulies situées à l’extrême avant de chaque coque jusqu’aux winchs. Pour ceux qui naviguent principalement au portant, comme sur les routes alizéennes, choisir un spinnaker symétrique robuste est conseillé. Certains se tournent vers le parasailor, un type de spinnaker symétrique reconnaissable à son large évent central, conçu pour minimiser le roulis. Néanmoins, leur coût élevé – souvent le double d’un spinnaker symétrique standard – peut ne pas se justifier, particulièrement sur un multicoque où le roulis est généralement moins problématique que sur un monocoque.

En bonus :

 

Pour des conseils plus approfondis sur le choix des voiles, voici un extrait d’un article que j’ai récemment écrit pour Yachting World :

 

Je recommande vivement à chaque navigateur de s’interroger sur les points suivants pour affiner sa  stratégie de plan de voilure :

 

Quel est votre plan de navigation ?

 

Si vous envisagez de vous laisser porter par les alizés, privilégiez les voiles de portant. Par contre, si votre itinéraire inclut une bonne part de navigation au près, il est essentiel de soigner le choix de vos voiles d’avant, en plus de celles pour le portant. Les parcours côtiers ou ceux dictés par des impératifs horaires tendent à exiger une navigation au près et imposent d’avoir des alternatives pour les conditions de tempête. Disposer de trois points de ris dans la grand-voile est crucial, ou au minimum, un second ris particulièrement ample. Une voile d’avant pour les tempêtes est tout aussi capitale. Il est préférable qu’elle puisse être hissée par-dessus la voile d’avant enroulée.

 

Êtes-vous axé sur la performance ?

 

Imaginez un schéma décisionnel pour le choix de vos voiles. Lorsque vous naviguez avec les alizés, les catamarans de performance, conçus pour naviguer à des angles précis, devraient être équipés d’une garde-robe de spinnakers asymétriques. Mais, il faut prendre en compte le confort, parfois sacrifié pour la vitesse. Quelle est donc votre priorité ? Les marins qui privilégient la performance, comme les régatiers, ceux sans enfants à bord, ou en excellente condition physique, devraient envisager d’acquérir une voile asymétrique résistante pour les mauvais temps et une autre plus légère pour naviguer confortablement par vents faibles à modérés.

 

Quelle est la composition de votre équipage ?

 

Il arrive qu’en planifiant, l’excitation pour une voilure optimisée pour la performance cède la place aux réalités pratiques, telles que les besoins éducatifs des enfants à bord ou des préoccupations de santé. Changer de voile est souvent une affaire d’équipe, et les conditions peuvent être rudes à l’avant du bateau. L’équipage doit s’organiser pour partager les tâches de vie à bord, même quand le bateau est chahuté par les vagues. Pour ceux qui naviguent en petit comité, les voiles à enrouleur peuvent grandement simplifier la gestion, surtout au portant. Par exemple, un Code-D sur enrouleur peut avantageusement remplacer un spinnaker asymétrique classique. En navigation au près, opter pour un seul foc et légèrement adapter votre trajectoire pour gagner en vitesse peut être une solution sage pour optimiser votre VMG. Et si vous avez une trinquette, envisagez une version sur enrouleur qui peut rester en place en mer, ce qui peut être un avantage considérable. Il est aussi conseillé de consulter le concepteur du yacht pour évaluer l’impact sur la stabilité due à la présence continue de deux grandes voiles enroulées.

 

Quelle est votre sensibilité écologique et votre rapport au temps ?

 

Êtes-vous gêné à l’idée de recourir au moteur ? Pour beaucoup, la conscience du changement climatique et la volonté d’agir en faveur de l’environnement sont des motivations suffisantes pour éviter son utilisation. Ensuite, est-ce la destination ou le voyage qui importe le plus pour vous ? Si vous préférez naviguer sans moteur et que vous n’êtes pas contraint par le temps, l’investissement dans un Code-0 peut s’avérer judicieux. Un Code-0 peut significativement augmenter la vitesse de votre bateau dans un faible vent. Par exemple, un Outremer pourra avancer à 2-3 nœuds avec un foc par 6 nœuds de vent, mais à 5-6 nœuds avec un Code-0. C’est une voile performante qui mérite l’investissement, mais assurez-vous au préalable qu’elle correspondra à vos besoins. Souvent, leur utilisation est limitée à des vents faibles – environ 15 AWS en vent de face, ce qui peut équivaloir à 10 nœuds TWS.