Autrice : Nikki Henderson

 

Lorsque j’ai demandé à la communauté des femmes propriétaires d’Outremer de me suggérer des thèmes de webinaires, la question des dérives de catamaran s’est imposée comme le sujet prioritaire. Cette demande ne m’a pas étonnée, car lors de mes sorties avec des propriétaires potentiels ou actuels d’Outremer, les dérives ont toujours été au cœur des discussions.

Il est logique qu’elles suscitent de la curiosité ; il est essentiel de les utiliser correctement si l’on veut que son catamaran soit performant. Ce qui est intéressant, c’est de se demander pourquoi les gens les trouvent déroutantes.

Je me suis rendu compte que pour certains, le problème est similaire à ma relation avec l’électronique (que je déteste) et l’ingénierie (que j’adore). Les choses que je ne peux pas voir physiquement sont par nature entourées de mystère et beaucoup plus difficiles à comprendre pour moi. Cela peut être le cas des dérives : elles sont cachées sous l’eau et sont donc souvent oubliées ou mal comprises.

Pourtant, il est essentiel de bien les comprendre puisque les dérives ont un impact sur la performance mais aussi sur la sécurité à bord d’un catamaran. Parfois, les théories se contredisent et donnent lieu à des conseils contradictoires sur la bonne ou la mauvaise façon de les utiliser. En fait, il n’y a pas de « règle » unique concernant les dérives. L’essentiel, comme pour tout ce qui concerne un bateau, est de comprendre la logique, afin que vous puissiez prendre votre propre décision en fonction des circonstances particulières que vous rencontrerez.

J’espère que cet article vous aidera à construire cette base critique de compréhension afin que vous puissiez naviguer en toute sécurité et en toute confiance. Les dérives – comme le réglage des voiles – sont un sujet d’apprentissage permanent. Considérez ceci comme la première étape d’un voyage qui dure toute une vie.

Les dérives de catamaran : quel réglage pour une navigation optimale ?

 

Les dérives de catamaran sont souvent comparées à des « voiles sous-marines » ou des « foils ». Tout comme une voile au-dessus de l’eau, la voile sous l’eau nécessite un réglage approprié. Cependant, contrairement à la voile au-dessus de l’eau, la dérive offre une seule option de réglage : la quantité de surface exposée sous la coque.

Lors de la navigation au près, les dérives offrent une résistance sous l’eau et une portance qui compensent l’effet latéral de la poussée vélique. En termes simples, les dérives aident le catamaran à avancer vers l’avant et non sur le coté, et donc à garder le cap. Par conséquent, la meilleure pratique en navigation au près est d’abaisser les dérives. [voilier au près = dérive baissée]

Lors de la navigation au vent arrière, la force exercée par la voile agit presque entièrement dans la direction souhaitée pour le catamaran. Par conséquent, la résistance des dérives n’est pas nécessaire et pourrait même ralentir votre catamaran. Dans cette configuration, il est recommandé de relever les dérives. [vent arrière = dérive relevée]

Lors de la navigation avec le vent de travers, le réglage optimal des dérives se situe à mi-chemin entre la configuration au vent arrière et celle au près, c’est-à-dire, en maintenant les dérives à mi-hauteur.

Quelle dérive en fonction des conditions de navigation ?

 

Une question cruciale se pose souvent : quelle dérive utiliser ? Il est essentiel de comprendre qu’une dérive n’est efficace que lorsqu’elle est immergée dans l’eau. Par conséquent, en quête de performances dans des conditions de mer calme, le réglage optimal consiste généralement à abaisser au moins la dérive sous le vent. Si la coque au vent se soulève légèrement (ce qui est courant par vent fort), la dérive au vent perd de son efficacité.

Faut-il laisser tomber la dérive au vent ? Cela dépend de la résistance à l’eau dont vous avez besoin.

Par vent très faible, la pratique courante consiste à lever complètement la dérive au vent et à ne régler que la dérive sous le vent. Lorsque les deux dérives sont abaissées (pour simplifier), la surface de « voile sous-marine » est doublée, ce qui risque de perturber l’équilibre de votre catamaran par vent léger.

À mesure que le vent monte, vous pourriez envisager d’abaisser progressivement la dérive au vent pour obtenir une meilleure résistance sous l’eau. Cela peut améliorer votre trajectoire, mais si votre vitesse diminue, envisagez de la relever légèrement.

Si le vent forcit encore, vous choisirez certainement de prendre un ris dans la grand-voile. Si nous revenons à l’idée que la dérive est la « voile sous-marine », si vous prenez un ris sur la grand-voile, pensez à prendre un ris sur la dérive et à la relever légèrement à chaque fois que vous prenez un ris au vent, afin de maintenir l’équilibre du bateau.

Vous vous demandez peut-être comment une chose aussi minuscule qu’une dérive peut équilibrer l’énorme surface d’une grand-voile. L’eau étant un fluide beaucoup plus dense que l’air, la dérive nécessite beaucoup moins de surface pour créer la même force.

Sécurité en mer : régler les dérives pour éviter les risques

 

C’est ici que les choses commencent à devenir un peu confuses.

Le fait que la dérive sous le vent soit abaissée augmente le risque de « trébucher ». Par conséquent, en cas de gros temps – ou d’augmentation imminente du vent ou de la vitesse, par exemple si vous êtes proche d’un littoral montagneux – lorsque vous avez l’impression que la coque se soulève ou risque de se soulever fortement, il est en fait plus sûr de relever la dérive sous le vent et de n’utiliser que la dérive au vent. Vous constaterez une baisse des performances, car cela va à l’encontre de la meilleure pratique qui consiste à régler la dérive sous le vent et non la dérive au vent.

L’option la plus sûre, lorsque la mer est très forte et qu’elle fait basculer le bateau d’un côté à l’autre, est de lever les deux dérives pour flotter sur les vagues comme sur un radeau.

L’expression  » faire un croche-pied  » est souvent utilisée, mais elle est parfois mal comprise. Voici ce que cela signifie : si le vent ou les vagues viennent du côté du bateau et que la coque au vent se soulève légèrement, ou s’il y a une rafale et que le bateau passe un pic, la coque sous le vent peut s’enfoncer dans la vague suivante. La meilleure façon de se représenter ce phénomène est d’imaginer que l’un de vos lacets est coincé, mais que le reste de votre corps continue à marcher. Vous tomberez. Il en va de même pour le bateau.

L’argument inverse est que l’abaissement des dérives protège les zones immergées sous les coques en cas d’échouage ou de collision avec un objet immergé. Le fait d’abaisser partiellement les deux dérives permet de protéger l’hélice. Les placer au niveau du pont permet de protéger le gouvernail. En d’autres termes, si vous heurtez un objet, celui-ci touchera la dérive avant les équipements sous-marins plus fragiles.

Un autre argument contre la suppression totale des dérives est que, sans dérives, le gouvernail fait tout le travail de résistance. C’est difficile à croire, mais il agit également comme une toute petite voile sous-marine. La charge sur le gouvernail est énorme sans dérive. Pour savoir si le gouvernail travaille trop, il suffit de regarder l’angle de barre du pilote automatique. S’il est à son maximum et qu’il doit travailler très dur pour maintenir le bateau en ligne droite, c’est que vous avez probablement trop de glissement latéral. C’est un peu comme si le bateau naviguait sur une patinoire. Dans ce cas, je recommanderais de baisser un peu les deux dérives. Cela profitera à la fois au safran et au pilote automatique (et donc à la consommation d’énergie).

 

(Lisez notre article Naviguer en sécurité pour en apprendre davantage sur la sécurité à bord)

Conclusion

 

L’utilisation des dérives est un exercice d’équilibre ! Le poids du bateau, la répartition du poids, la surface de la voile, la force du vent, l’état de la mer, le réglage de la voile sont autant d’éléments qui influent sur la façon d’utiliser les dérives.  C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de règle « unique ». Commencez à les utiliser et voyez comment le bateau réagit. Ce qu’il y a de beau avec l’achat d’un catamaran Outremer, c’est que si vous le gardez léger et bien réglé, il vous parlera et vous guidera. Vous ne me croyez pas ? Essayez de naviguer sur un catamaran tout neuf, sorti de l’usine, sans rien dessus, puis comparez-le à un autre avec les effets personnels de quatre personnes dessus, et vous pourrez constater par vous-même. 😉