Autrice : Colleen, propriétaire de l’Outremer 51 « Tacocat ».

Il est temps… de traverser l’Atlantique.

Pièces de rechange, check.
Sac de survie, check.
Vérification du gréement, check.
Leurre de calmar rose pour la pêche, check.
Trousse de secours pour adultes et enfants, check.
Trousse de secours pour chien, check.
Cale remplie de nourriture pour chien, de friandises et de produits d’hygiène, check.
Cale remplie de friandises (pour nous cette fois), salées et sucrées, check.
Encore plus de sachets de la friandise favorite de Callie parce qu’elle est difficile, check.
Plus de sachets aussi de la marque de chips que Travis adore parce qu’il est capricieux et que c’est sa préférée, check.
Leçons, livres, films et podcasts téléchargés, check
Des provisions dans tous les coins et recoins, check.
Des recettes pour tous les poissons que nous allons pêcher, check.
D’autres sources de protéines dans le congélateur au cas où ma bonne volonté ne suffirait pas à attraper quoi que ce soit, check.
Des paillettes pour décorer les biscuits de Noël, check.
Jeux de cartes et jeux de société, check.
Calendrier de l’Avent en Lego, check.
Bouteille de champagne et jus de pomme pétillant pour l’arrivée, check.

Le petit sapin de table est installé dans le salon, orné de lumières à piles. Les décorations sont en place (stratégiquement placées pour ne pas gêner la visibilité), et nous avons commencé le compte à rebours de Noël avec des calendriers Lego et des calendriers en chocolat. En route vers les Caraïbes, des musiques de Noël résonnent dans les hauts parleurs et nous confectionnons des biscuits  – lorsque les conditions de recharge solaire sont idéales pour nous permettre d’utiliser le four – pour passer le temps et avoir des collations sucrées pendant nos quarts de nuit. Bien que j’adore les fêtes de fin d’année, j’en profite particulièrement cette année, car elles sont sources d’activités nouvelles qui me permettent de lutter contre l’ennui à bord.

Au cours de l’année et demie écoulée, nous avons résolu certains problèmes liés à la vie à bord avec un enfant et un chien. Mais, l’idée de traverser l’Atlantique avec eux fait monter la pression d’un cran. Depuis que nous avons divisé le voyage en plusieurs segments (Gibraltar-Canaries-Cap Vert-Martinique), tout semble plus facile à gérer, mais il s’agit tout de même de la traversée d’un océan (!), et de la plus longue traversée que nous ayons faite en famille jusqu’à présent. Nous avons choisi notre Outremer 51 parce qu’il est rapide et sûr. Donc nous sommes confiants à ce sujet. Je me suis préparée à devoir gérer l’école des enfants le matin, sans avoir la possibilité d’utiliser la carotte du « vous pourrez jouer avec les autres enfants quand vous aurez terminé ». Je sais que la chienne fera ses besoins sur le trampoline avant, même s’il y a de la houle. Je sais que nous disposons de toutes les denrées alimentaires de base pour nous et notre chienne, ainsi que des produits médicaux nécessaires en cas de problème lorsque nous sommes loin de la côte. Mais en tant que chef du moral sur Tacocat, j’ai toujours eu à cœur que nous nous épanouissions à bord, et pas seulement que nous survivions.


Lire aussi : Gérer la scolarité des enfants à bord


S’épanouir VS survivre, c’est tenter d’équilibrer le temps passé avec et sans écran. Cuisiner, écrire, bricoler, créer, construire avec des legos, construire des forts, et maintenant préparer des biscuits et construire des maisons en pain d’épices, découper des flocons de neige et écrire des lettres de fin d’année à envoyer à notre famille élargie. C’est faire bouger son corps en s’entraînant avec le TRX, en faisant du yoga, en boxant ou en organisant des soirées dansantes improvisées. C’est stimuler notre cerveau avec des puzzles, des jeux, des podcasts et de la lecture… beaucoup de lecture. Certes, je sais que nous avons la vie facile avec un seul enfant à bord, qui non seulement aime lire mais est assez grand pour se perdre dans des projets pendant des heures de manière autonome. Et grâce aux magasins de Gibraltar qui ont mis en rayon des friandises de Noël et d’Halloween dès le mois d’octobre, nous avons passé un moment assez festif pendant notre voyage vers l’ouest !

Pour Callie (la chienne), l’épanouissement passe par des promenades sur le pont – en laisse bien sûr -, des puzzles de friandises, des heures à renifler après que les poissons volants se sont écrasés sur le pont en laissant derrière eux leurs écailles malodorantes, la poursuite de sa balle le long de la coque, la mastication d’un nouvel os (ou de sa peluche préférée), et l’observation des oiseaux.

Et certains jours, tout ce que nous faisons, c’est regarder des films ou admirer longuement la mer. Nous sommes des marins, pas des saints, après tout. Nous nous prélassons dans le cockpit en contemplant combien il est étrange d’être sur l’eau depuis si longtemps sans pouvoir y aller, nous suivons les bateaux de nos amis, nous nous émerveillons de la vaste étendue de bleu dans toutes les directions, nous nous demandons comment nous n’avons pas vu de mammifères marins ou de vie marine du tout et nous imaginons qu’un kraken géant au fond de l’eau a tout dévoré. Les « projets de passage » ne sont pas repris, les journées sont à la fois longues et passent en un clin d’œil. Nous réécrivons les paroles des chansons de Noël, sous l’emprise du sucre, et nous nous sentons un peu délirants d’être enfermés ensemble dans un espace restreint pendant une si longue période de temps. Il y a des poils de chien sur le sol, la lessive n’est pas faite, nous sommes irrités par le manque de sommeil, mais nous sommes bien nourris, nous fredonnons la version de Jimmy Buffet de Jingle Bells au steel drum et nous chantons notre version de « The 12 Days Of Crossing » (ndlr: la chanson originale est « 12 Days Of Christmas »), et nous nous considérons plus proches de l’épanouissement que de la simple survie, tandis que nous naviguons vers la Martinique.


Lire aussi : Le récit d’un voyage autour du monde en famille

Crédits photos : @tacocatamaran