L’impact de notre consommation énergétique est désormais une préoccupation majeure, dans notre quotidien à terre, mais aussi à bord de nos bateaux. Au-delà du débat sociétal sur la nécessité d’orienter rapidement nos modes de vie vers des logiques de soutenabilité, se pose pour les plaisanciers la question très pragmatique du choix de leur motorisation. Notre expertise en ingénierie marine et la richesse de nos retours client nous permettent aujourd’hui d’apporter un éclairage objectif à la question que tout le monde se pose : les moteurs électriques sont-ils LA solution pour réduire nos émissions de CO2 ?

Comparer moteurs électriques aux moteurs à combustion peut être un sujet difficile à traiter. Les moteurs électriques sont présentés comme LA solution pour réduire nos émissions de CO2. Mais de nombreuses questions se posent : La technologie est-elle suffisamment avancée pour constituer une option fiable pour les voiliers dits de grande croisière ? S’agit-il de la solution la plus durable ? Ou y a-t-il une part de greenwashing côté constructeurs de bateaux ?

Chez Outremer, nous comprenons la nécessité d’une perspective objective dans ce débat. Notre expertise en ingénierie marine, notre relation étroite avec nos clients, leurs retours d’expérience, et trois années de pilotage du modèle à zéro émission « 4-zero », nous permettent de vous offrir ce point de vue équilibré.

Le moment tant attendu de partir en croisière est arrivé : tout est paré, un savoureux avitaillement déborde du frigidaire, le plein d’eau a été fait, les waypoints sont entrés dans votre tablette, et la météo s’annonce idéale pour envoyer le spi. Après une journée à faire tourner les winchs électriques et l’électronique embarquée, vous voici à la tombée de la nuit dans le mouillage idyllique dont vous rêviez depuis des mois. A bord, le déssalinisateur tourne, une partie de l’équipage s’affaire à mitonner un diner réconfortant en écoutant de la musique, tandis que les autres se délassent sous une douche bien chaude, ou devant un épisode de Netflix. 24 heures plus tard, gavé d’iode et de vitamine D, vous sentez que vous avez déjà rechargé les batteries depuis votre départ du port… mais celles de votre bateau se vident à vue d’œil, votre alternateur moteur n’ayant pas été sollicité durant cette belle journée de voile.

En 24 heures, un Outremer de 45 pieds a besoin d’environ 10 kWh d’électricité. Cela se décompose comme suit 3. 5 KwH pour les appareils électroniques essentiels à la navigation ; 4 KwH pour les autres appareils ménagers tels que le réfrigérateur, le congélateur, les winchs électriques et l’éclairage ; chauffer 40 litres d’eau consomme 1 KwH, ce qui est généralement suffisant pour que quatre personnes puissent se doucher et se laver si elles sont économes ; les 2 derniers KwH seront utilisés pour cuisiner deux repas avec une plaque à induction, ou si vous n’avez pas d’induction, vous pouvez faire bouillir une bouilloire via un onduleur, ou peut-être avez-vous besoin de 1 KwH pour produire 150 litres d’eau avec le dessalinisateur ; vous pouvez faire fonctionner le lave-vaisselle, le lave-linge et ainsi de suite.

NB : Bien qu’il s’agisse de données tirées d’expériences réelles, nous sommes conscients que les besoins en énergie, la production et le stockage sont uniques pour chacun d’entre nous. Ces chiffres peuvent ne pas vous concerner directement, mais nous vous encourageons à adopter un point de vue pragmatique sur l’énergie que vous utiliserez et l’énergie que vous pouvez produire et à les comparer comme nous l’avons fait ici.

La bonne nouvelle, c’est que si vous avez un bateau 100% électrique, il est théoriquement possible de produire suffisamment d’énergie renouvelable pour couvrir vos besoins quotidiens. Par temps ensoleillé, les panneaux solaires installés sur les bossoirs et sur le roof produiront à peu près les 10 kWh nécessaires. Si le temps est nuageux, votre vitesse moyenne de 8 nœuds pourrait produire 4 ou 5 KwH – ce qui ne serait pas suffisant pour tout le confort, mais vous pourriez quand même faire fonctionner vos systèmes électroniques et le réfrigérateur.

La mauvaise nouvelle, c’est que si vous avez un bateau électrique et que vous vous trouvez dans des vents légers par temps nuageux, la production d’électricité devient aléatoire. Pour les navigateurs côtiers, il est possible de résoudre ce problème en planifiant les déplacements autour des ports de plaisance et des prises de quai pour faire le plein d’énergie. Mais pour les navigateurs hauturiers, le risque est trop grand. L’électricité à bord d’un catamaran est indispensable pour faire fonctionner les systèmes vitaux en mer, comme la production d’eau, la propulsion moteur en cas d’urgence ou le fonctionnement d’équipements électroniques tels que le GPS et la radio VHF. Les navigateurs le savent bien : la nature et les conditions météorologiques sont notoirement imprévisibles. Il serait insensé de compter sur une quelconque constance du vent ou du soleil. Pour l’instant, un bateau entièrement électrique est donc peu pratique et peu sûr, à moins que vous ne soyez prêt à simplifier vos systèmes à bord en réduisant jusqu’au strict minimum : pas de réfrigérateur, pas de dessalinisateur et une électronique très basique. Après tout, c’est ce que tous les marins ont fait pendant des siècles ! Est-ce réaliste de nos jours ?

La réponse communément apportée au problème d’autonomie énergétique en mer est donc celle du groupe électrogène alimenté par votre moteur thermique ; mais elle demeure encombrante, bruyante, et peu écologique puisque dépendante du carburant. Vous pouvez aussi choisir de diminuer le nombre de nuits en mer ou au mouillage, et organiser votre croisière de façon à pouvoir vous brancher à quai le plus souvent possible. Enfin, vous pouvez opter pour un bateau hybride ou électrique afin de réduire votre consommation énergétique. Il est désormais admis que ces deux alternatives représentent l’avenir de la plaisance… mais sommes-nous bien au fait des désagréments qu’elles entraînent ?

Un moteur hybride, combinant moteur à combustion interne et moteur électrique, est moins bruyant et un peu plus économe en carburant qu’un moteur thermique. S’il semble être le remède au dilemme environnemental des plaisanciers, malgré son prix encore relativement élevé, son autonomie reste limitée puisqu’on doit y intégrer un générateur diesel pour recharger les batteries, en modifier l’alimentation et l’échappement. En outre, un moteur hybride prend davantage de place et le risque de panne est accru par la complexité d’une double technologie de motorisation. Le moteur électrique offre de son côté bien des atouts : compacité, facilité d’entretien, disparition des odeurs et des vibrations… Sa recharge se fait à quai sur des bornes ou via des panneaux photovoltaïques. Cependant, à poids égal, le carburant offre tout de même une plus grande densité énergétique que des batteries très performantes, qui de plus doivent être en nombre supérieur à celles d’une installation hybride.

Fortement impliqué dans la recherche de solutions toujours plus vertueuses, le chantier OUTREMER propose depuis 3 ans un modèle « zéro émission » : le 4 Zero.  Premier catamaran de croisière au long cours équipé à 100% d’un système de propulsion électrique complet (comprenant batteries, système électronique et moteurs), son prototype a été conçu pour le défi Elcano de Jimmy Cornell, dont l’objectif était de suivre les traces de Magellan sur un périple de 33.000 milles dans une totale neutralité carbone. La première partie de son voyage a permis de mieux cerner les contraintes qui pèsent sur les plaisanciers souhaitant acquérir une unité électrique – à commencer par son coût, de 30 à 50 % plus élevé que pour un bateau équipé d’une motorisation thermique, bien que sur le long terme les économies soient conséquentes. Il apparaît clairement que la problématique à laquelle toute l’industrie nautique est actuellement confrontée tient dans sa capacité à procurer une vraie autonomie  énergétique aux propriétaires en fonction du parcours de navigation qu’ils envisagent. Car si 4-5 Kwh sont suffisants pour déplacer un catamaran sur un plan d’eau plat sans vent, la puissance nécessaire pour le faire remonter face à un vent de 25 nœuds et une houle d’un mètre s’élève alors à 25 Kwh (ce chiffre peut être multiplié par 2 ou 3 dans le cas d’un bateau plus lourd avec un fardage conséquent), même pour un Outremer dont les coques fines lui confèrent une moindre résistance à l’avancement et lui permettent de performer dans le petit temps.

La motorisation électrique (qui est parfois une motorisation hybride déguisée) n’est de notre point de vue pas encore satisfaisante. Force est de constater qu’en adoptant cette technologie, il faut pour le moment faire parallèlement l’effort de changer sa façon de concevoir la navigation, dans le fond et dans la forme, et revenir aux fondamentaux des décennies précédentes : cuisiner au gaz, limiter l’utilisation des écrans, de l’électronique marine et des appareils audio-vidéo, se résigner avec philosophie à ne pas toujours pouvoir tenir son planning, ne faire voile que quand le vent est favorable, renoncer à remonter au près dans des conditions dures… Mais demeure la question de la sécurité, qui est à notre sens la plus cruciale de cette délicate interrogation qui agite autant les chantiers que les usagers : en cas de panne, d’urgence médicale ou de mauvaise météo non anticipée qui mettrait le bateau et l’équipage en péril, est-on vraiment prêt à dépendre uniquement d’un moteur électrique ou hybride ? Pour revenir aux traces de Magellan, bien peu parmi l’équipage ont vu la fin du voyage…

A chaque génération de plaisanciers ses valeurs, ses idéaux, ses tâtonnements et ses idées visionnaires. Nous sommes déterminés à trouver une solution alternative aux combustibles fossiles. La technologie évolue, et les données de l’équation avec elle ! Nous vous invitons donc à poursuivre la discussion sur ce sujet : comment être vert ET être en sécurité en grande croisière.