Autrice : Nikki Henderson

 

Une colonne écrite par Skip Novak dans une récente édition de Yachting World a attiré mon attention. Skip débattait sur l’idée d’intégrer la neutralité de genre dans le langage nautique. En effet, le monde de la voile a toujours été un environnement masculin. Il y a cent ans, les seules femmes en mer étaient les navires eux-mêmes et la nature elle-même. Par conséquent, une grande partie du vocabulaire est centré sur les hommes, on parle notamment de marin en français, yachtsman, seamanship et seaman en anglais. Répondre à des questions telles que « devrions-nous changer ‘homme à la mer’ en ‘personne à la mer’ ? » peut être controversé, et Skip a voulu pousser la réflexion plus loin. Cet article m’a interpellé et m’a fait réfléchir sur la communication dans le monde de la voile.

 

Pour moi, le vocabulaire nautique contribue à créer “un plafond de verre”. Et cela ne concerne pas seulement le genre utilisé. Notre langage souvent difficile à comprendre pour quelqu’un d’extérieur crée une distance, une barrière à franchir pour tout « étranger ». Une conversation sur les drisses, les manilles et les poulies – les virements et les empannages – est complètement indéchiffrable pour quiconque n’a pas appris à naviguer. Bien que je ne préconise pas de réécrire l’ensemble de notre glossaire, je pense qu’il est important de réfléchir au vocabulaire que nous employons.

La communication est indéniablement un sujet important pour tout propriétaire de bateau. Les équipages que je coache finissent toujours par réaliser que c’est la communication qui façonne leur expérience à bord. Une bonne communication permet de garantir la sécurité, de faciliter les manœuvres et de contribuer à une atmosphère d’équipe positive. À l’inverse, une mauvaise communication peut rapidement réduire quelqu’un en larmes, causer de la confusion, entraver la sécurité et réduire l’efficacité à bord.

En tant que futur ou actuel propriétaire de bateau, demandez-vous « quel genre de capitaine est-ce que je veux être ? » Voulez-vous créer une atmosphère détendue, contrôlée et sûre où tout le monde se sent à l’aise et inclus ? Ou voulez-vous que l’ambiance soit plus tendue, bruyante et chaotique, reposant sur la peur et l’exclusion ? Je réalise que c’est une question chargée – mais c’est pour souligner que votre style de communication pèse beaucoup à bord.

Le premier rôle d’un skipper est de maîtriser la communication avec soi-même. Certains jours, je peux me sentir tendue, anxieuse ou submergée par la situation ou les exigences à bord. Comment rester calme ? Voici quelques astuces : souriez souvent ; ne haussez pas la voix ; n’oubliez pas de respirer ; bougez votre corps ; tenez-vous droit ; prenez une posture plus ample ; faites parler votre voix intérieure : « tu peux le faire Nikki / rappelle-toi que c’est amusant / les erreurs font partie de l’apprentissage ». Que font ces petites voix ? Elles trompent votre cerveau en lui faisant croire que vous êtes détendu, même si vous ne le ressentez pas. Et le résultat ? Votre équipage y croit aussi : ils vous voient transmettre une force tranquille et une confiance, ce qui les fait se sentir en sécurité et calmes.

Généralement, les équipages ont des niveaux d’expérience variables à bord. Les propriétaires de voiliers de grand voyage accueillent souvent des invités qui ne sont pas des marins. Les couples qui possèdent le bateau connaissent souvent une disparité importante en termes de confiance en soi et parfois de compétence. Il est assez courant de tomber dans le piège de traiter les moins expérimentés ou les plus réservés – les invités/partenaire/enfants – comme de simples passagers. Les passagers passifs sont un risque. Tout le monde à bord devrait avoir un niveau de compréhension de base afin de pouvoir penser de manière autonome et être utile en cas d’urgence. Avoir des passagers plutôt qu’un équipage contribue à créer une division « nous et eux » au lieu d’une équipe unie. C’est moins amusant. Et enfin, en refusant certains conseils de base, vous allez involontairement présenter la voile comme une activité mystérieuse à craindre et à éviter. Voulez-vous que vos amis et vos enfants ressentent cela ? La voile n’est pas si compliquée à comprendre – du moins les instructions de base comme tirer sur un bout, barrer, mettre des pare-battages et autres activités de niveau débutant.

L’un des meilleurs moyens d’aider les navigateurs novices à se sentir intégrés et d’encourager les navigateurs expérimentés à rester humbles est de simplifier le langage. Par exemple, vous pouvez choisir d’appeler la bosse d’enroulement la bosse « noire et blanche » ou la « bosse qui enroule la voile à l’avant ». Certes, la « bosse d’enroulement » est moins compliquée, mais le fait de devoir toujours la tirer soi-même représente plus de travail que de prononcer cinq mots supplémentaires. Pour vous donner de l’inspiration, voici d’autres exemples : « tourner face au vent » au lieu de « virer de bord » ; « amarre de marche avant » au lieu de « ressort de poupe » ; « cordage qui maintient la voile en place » au lieu de « drisse ».

Les avantages de simplifier le vocabulaire à bord sont également d’ordre pratique. Non seulement les équipages ont tendance à avoir des expériences diverses, mais ils sont aussi souvent culturellement différents. L’utilisation d’un langage plus universellement compris peut être utile. Les exemples précédents – « corde bleue qui tire la voile vers le bas » plutôt qu’ »écoute » – seront beaucoup plus faciles à traduire pour quelqu’un qui ne sait pas naviguer dans la langue majoritaire à bord. Votre équipage international se sentira plus à l’aise et presque comme chez lui.

La communication ne se limite pas aux mots prononcés. Nous communiquons également par le langage corporel, les actions et les expressions faciales. D’un point de vue pratique, les signes de la main sont une excellente alternative à la parole lorsqu’il y a beaucoup de bruit. Un vent fort peut être incroyablement bruyant, tout comme les treuils électriques, les guindeaux et le moteur. On comprend pourquoi la prise de ris et le stationnement sont souvent des activités très stressantes.

Les gestes de la main sont également très utiles pour communiquer avec les équipages internationaux. Même les meilleurs polyglottes peuvent avoir du mal à comprendre une langue qui n’est pas leur langue maternelle dans des situations de stress intense. Les signes de la main deviennent le langage universel sur le pont. 

J’adopte les gestes suivants et je vous recommande d’en faire autant :

  • Un poing fermé = « TENIR ». Si quelqu’un voit ce signe de la main, interrompez ce que vous êtes en train de faire et cherchez de quoi il s’agit.
  • Un « O » fait en pressant les extrémités de l’index et du pouce l’une contre l’autre = « OK ». Ce signe indique que tout va bien. 
  • Rotation de la main et de l’avant-bras dans un mouvement circulaire continu = « TIRER ». Il s’agit d’une instruction de tirer quelque chose. La personne qui reçoit l’instruction peut alors décider si le bout a besoin d’un treuil ou s’il peut simplement être tiré.
  • Ouvrir la main à partir d’un poing fermé et simultanément redresser le bras = « LÂCHER ». Ceci est destiné à imiter l’action de relâcher une ligne et c’est exactement ce que cela signifie.

Si vous utilisez des signes de la main pour surmonter l’impossibilité de vous entendre ou de vous comprendre, il en résulte un merveilleux effet secondaire : le silence. Il n’y a pas de cris. Pas de tons de voix frustrés. Et le résultat ? Une atmosphère tranquille, calme et contrôlée. De plus, jeter l’ancre ou se garer dans une marina bondée en silence, c’est très élégant !

Il existe un fil conducteur entre tous ces points : un langage commun. Quels que soient le style et les techniques de communication que vous adoptez, assurez-vous que tout le monde à bord utilise les mêmes mots/signaux. Il est plus fréquent que vous ne le pensiez – en particulier pour un couple – de se rendre compte que des erreurs ou des litiges se produisent constamment en raison d’un malentendu linguistique ou terminologique.